L'instillation de Bacille de Calmette et Guérin (BCG) est le traitement de choix pour les tumeurs superficielles de la vessie. Cette méthode stimule le système immunitaire local, réduisant efficacement les récidives et empêchant la progression de la maladie. La tolérance du traitement est généralement bonne chez plus de 95 % des patients.
L’instillation de BCG peut se compliquer d’effets locaux ou systémiques, d’intensité variable, réunis sous le nom de BCGites [1–3].
1. Réactions locales (90%) :
- Cystite : Une irritation de la vessie, transitoire (2 à 3 jours) peut se produire, entraînant des symptômes légers tels que dysurie (difficulté à uriner), pollakiurie (besoin fréquent d'uriner) et hématurie (présence de sang dans l'urine).
- Hématurie : La présence de sang dans l'urine peut être observée, souvent de manière temporaire.
2. Réactions systémiques :
- Syndrome grippal : Certains patients peuvent présenter des symptômes grippaux, tels que fièvre, frissons, fatigue, myalgies et d’arthralgies. Ces symptômes peuvent débuter quelques heures après l'instillation et persister pendant 24 à 48 heures.
- Fatigue : Une fatigue générale peut être ressentie par les patients.
- Réactions allergiques : Bien que rares, des réactions allergiques sévères peuvent se produire.
3. Complications sévères plus rares :
- Disséminations hématogènes : le BCG peut passer par voie hématogène et provoquer un sepsis d'intensité variable jusqu'à réaliser un choc septique avec défaillance multiviscérale.
L'instillation de BCG peut se compliquer par un passage hématogène du BCG via une lésion de la muqueuse vésicale. Cette dissémination hématogène est favorisée par un traumatisme vésical, soit directement secondaire au cathétérisme (lésion de paroi pouvant aller exceptionnela perforation vésicale), soit par d’autres étiologies (radiothérapie concomitante, chirurgie de la prostate ou de la vessie dans les jours précédant l’instillation). Cependant, dans certains cas, aucune lésion traumatique favorisant n’est retrouvée.Il faut noter que la plupart des patients présentant une BCGite ne présentent pas de facteur favorisant tel qu'une immunodépression préexistante.
- Réactions viscérales granulomateuses : le BCG peut se localiser dans différents organes et provoquer des granulomes giganto-épithéloïdes dans lesquels des BAAR peuvent être isolés. Très souvent, ces granulomes restent stériles et évoquent une réaction immunologique surajoutée.
Dans une série portant sur 2602 patients, Lamm a rapporté une incidence de fièvre de 2,9 %, d'hématuries de 1 %, de prostatites granulomateuses de 0,9 %, d'arthralgies de 0,6 %, d'épididymites de 0,4 %, de rash cutanés de 0,3 %, d'obstructions urétérales de 0,3 %, de contractions de vessie de 0,2 %, d'abcès du rein de 0,1 %, et de cytopénies de 0,1 %. Les pneumopathies sont survenues dans moins de 0,7 % des cas, et les sepsis dans 0,4 % des cas [1].
Diagnostic
La mise en évidence de BCG dans les urines n’a pas de valeur lorsque les symptômes suivent l’instillation. Les hémocultures peuvent être positives à la phase initiale. Dans le LBA, les cultures de mycobactéries et la PCR sont généralement négatives, ainsi que les colorations au Ziehl et à l'auramine. La culture peut être positive dans la moelle. L’analyse histopathologique et cytologique peut révéler la présence de granulomes avec présence rare de BAAR. Ces granulomes ne sont pas constants (40 % au niveau bronchique).
La recherche de BCG et la mise en évidence de lésions granulomateuses ne sont pas indispensables. Le diagnostic reste clinique, basé sur l’association d’un geste d’inoculation et de la symptomatologie clinique, ce qui permet de débuter un traitement antituberculeux d’épreuve.
Traitement
Il repose sur une antibiothérapie antituberculeuse avec ou sans corticothérapie systémique.
Traitement antituberculeux :
Toutes les souches de BCG sont résistantes à la pyrazinamide.
Il n'existe pas de traitement codifié pour la prise en charge de la maladie à BCG. Les cas sont traités avec des médicaments antituberculeux de première ligne tels que l'isoniazide, l'éthambutol, la rifampicine, la streptomycine, l'amikacine, et les fluoroquinolones (ciprofloxacine).
La durée du traitement est généralement de 3 à 6 mois.
Corticothérapie :
Il n'existe pas de consensus sur l’utilisation de corticoïdes, la dose, la molécule et la durée d’utilisation.
Méthylprednisolone 1 mg/kg [2].
Prednisone 0,66 mg/kg [5].
Cependant, dans la plupart des cas rapportés, la corticothérapie est utilisée pour améliorer une symptomatologie qui tarde à s’améliorer sous traitement antituberculeux [7].
L’amélioration est généralement obtenue en une semaine [7].
Formes graves de BCGites
Les premiers symptômes peuvent survenir immédiatement après l'instillation et ressemblent à une réaction systémique banale (syndrome grippal avec pics fébriles, frissons et sueurs nocturnes), mais d’intensité plus marquée et persistant plus de 12 heures malgré les antipyrétiques.
Deux complications peuvent conduire une hospitalisation en MIR :
1° Sepsis sévère et choc septique :
Dans de rares cas, la dissémination hématogène provoque un tableau de sepsis sévère et parfois de choc septique [2–6]. En général, il suit de quelques heures l'instillation de BCG ce qui le rend très évocateur du diagnostic. Très fréquemment la notion de manoeuvre intravésicale conduit à suspecter une infection bactérienne iatrogénique et conduit à la prescription d'une antibiothérapie à large spectre. Cependant le tableau prend rapidement une forme inhabituelle marquée par l'apparition d'une atteinte multiviscérale avec prédominance d'une défaillance respiratoire hypoxique pouvant aller jusqu'au SDRA. Il est a noter que cette attteinte respiratoire est rarement immédiate mais s'aggrave sur les premiers jours. Elle est caractérisée par la présence d'un syndrome interstitiel clinique (crépitants secs à l'auscultation) et radiologique très évocateur d'une dissémination hématogène.
Une atteinte multiviscérale biologique est constante et peut évoluer vers des défailances viscérales sévères :
- Insuffisance rénale aiguë d’intensité variable allant jusqu'à une IRA Kdigo 3 avec nécessité d'EER [2].
- Hépatite cytolytique est constante, rarement majeure (10 fois les normales) et évolue en moins d’une semaine vers une cholestase modérément ictérique.
- Thrombopénie modérée entre 50 et 100 Giga/L.
- Parfois, une rhabdomyolyse modérée.
2° Insuffisance respiratoire aiguë hypoxique :
Elle s'associe généralement à un tableau de sepsis initial plus ou moins sévère et peut rapidement devenir le problème principal. Cependant, elle n'est jamais isolée et s'accompagne d'atteintes multiviscérales biologiques (foie +++, cholestase ictérique et thrombopénie). Son apparition est différée de quelques jours par rapport à l'instillation.
D'un point de vue physiopathologique, les biopsies pulmonaires montrent des granulomes épithélioïdes giganto-cellulaires dont la culture est inconstamment positive. La possibilité d'une réaction immunologique au BCG (recherchée par ailleurs lors de la BCGthérapie) est avancée pour expliquer leur persistance prolongée sous traitement antituberculeux. L'utilisation de corticoïdes se justifie dans cette optique physiopathologique, bien qu'aucune étude randomisée ne soit disponible. Cependant, les analyses de cas semblent rapporter une amélioration de l'état clinique respiratoire et général après une semaine d'utilisation notamment dans les formes sévères de MIR.
Les atteintes pulmonaires et hépatiques sont constantes et s'expliquent par les particulatités anatomiques de la vessie.
L'inoculation se fait par des lésions vésicales à l'origine de brèches veineuses. Hors la vascularisation veineuse
Recherche en cours
Le service de Médecine Intensive Réanimation de NICE finalise une étude de cohorte dont le CHU de NICE sera le promoteur sur les BCGites post-instillation intravésicale ayant nécessité une hospitalisation en réanimation.
Les critères d'inclusion sont tous les patients majeurs admis en réanimation ou soins intensifs pour une complication sévère (mise en jeu du pronostic vital) dans les suites immédiates ou tardives d'une instillation intravésicale de BCG sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2024.
Le but de cette cohorte est d'améliorer la connaissance des formes graves de BCGites, d'établir des critères pronostiques et une approche thérapeutique dans cette rare pathologie.
Les demandes administratives réglementaires sont en cours de validation. Si vous avez connaissance de cas anciens ou récents de BCGite grave admis en réanimation et si vous le souhaitez, vous pouvez contacter le Dr HYVERNAT (hyvernat.h@chu-nice.fr). Le début de recueil sera effectué du 01 janvier 2025 au 31 mars 2025.
Références
1. Lamm DL. Complications of bacillus Calmette-Guérin immunotherapy. Urol Clin North Am. août 1992;19(3):565‑72.
2. Rival G, Garot D, Mercier E, Narciso B, Legras A, Perrotin D, et al. Atteinte respiratoire sévère et choc septique à Mycobacterium bovis. La Presse Médicale. juin 2006;35(6):980‑2.
3. Fernandes PF, Nunes P, Figueiredo A. Septic Shock After Intravesical Therapy With Bacillus Calmette-Guerin: A Case Report of a Rare Life-Threatening Complication. Cureus. 6 oct 2023
4. Frey HM. Septic shock in a 31-year-old male with a superficial bladder tumor. International Journal of Infectious Diseases. avr 1998;2(4):226‑9.
5. Elmer A, Bermes U, Drath L, Büscher E, Viertel A. Sepsis und Multiorganversagen nach BCG-Instillation bei Blasenkarzinom. Internist [Internet]. août 2004 [cité 4 déc 2023];45(8). Disponible sur: http://link.springer.com/10.1007/s00108-004-1205-8
6. Desmet M, Moubax K, Haerens M. Multiple organ failure and granulomatous hepatitis following intravesical bacillus Calmette-Guérin instillation. Acta Clin Belg. 2012;67(5):367‑9.
7. Attou R, Albrich T, Kadou J, Redant S, Honoré PM, Bels DD. Favorable outcome in a patient with systemic BCGitis after intra-bladder instillation of Calmette-Guerin Bacillus highlighting the importance of making the correct diagnosis in this rare form of sepsis. Journal of Translational Internal Medicine. 29 mars 2019;7(1):34‑8.
8. Pérez-Jacoiste Asín MA, Fernández-Ruiz M, López-Medrano F, Lumbreras C, Tejido Á, San Juan R, et al. Bacillus Calmette-Guérin (BCG) Infection Following Intravesical BCG Administration as Adjunctive Therapy For Bladder Cancer: Incidence, Risk Factors, and Outcome in a Single-Institution Series and Review of the Literature. Medicine. oct 2014;93(17):236‑54.
Date de dernière mise à jour : 29/08/2024
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